Alesia et dépendances

 

A propos d'Alésia

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Éclair professoral



La responsabilité professionnelle des enseignants plus particulièrement de latin-grec suscitait des commentaires désabusés de Georges Hyvernaud (Cf La plaque d'Alise). Il n'a pas paru superflu ici de donner un échantillon de cet enseignement. En effet cette étude a retenu l'attention bienveillante, ne serait-ce que par l'effort accompli, significatif par sa compétence et son autorité, d'un de ceux-ci.

 

Annotation reproduction du courrier original

(1)d'Alise !























(2)d'Hirtius

(...) Le créateur de ce site doit être le cent-soixante douzième au moins à vouloir situer Alesia ailleurs qu'à Alésia, dans des sites correspondant peu ou prou au site d'Alesia, près de villages de la France profonde qui se nomment Alize, Alaise etc. Certes, on en est toujours à se demander comment le grand Jules a pu aboutir à cet Alesia là, tout à fait hors des chemins battus de l'époque, enfin tels que nous les supposons. Concevoir Alesia ailleurs qu'à Alesia serait bien sûr tentant s'il n'y avait eu des fouilles archéologiques. Que l'on conteste les fouilles réalisées à la demande de Napoléon III autour d'Alésia(1), passe encore, même si elles confirment globalement les propos de Jules dans ses Commentaires.  Le problème, c'est qu'elles ont été reprises au XXe siècle à  deux reprises au moins, dans des secteurs qui avaient échappé aux fouilleurs napoléoniens, et qu'elles ont confirmé sans ambages la réalité d'un siège de grande envergure avec des dispositifs identiques à ceux décrits par César et avec la présence d'objets typiquement romaines.

De plus, si les qualités de latiniste du monsieur Alesia n'est pas à Alesia, me semblent tout à fait satisfaisantes, il ne me semble pas qu'il en aille de même de sa bonne foi. Je m'en tiendrai à un seul exemple, sa traduction de latere aperto. Il  le traduit par côté droit, ce qui est une traduction possible bien sûr,  mais qui fonde son analyse pour dire que le propos de César ne correspond pas au site d'Alesia. Il n'y a qu'un hic, c'est que cela peut se traduire tout aussi valablement par côté découvert, autrement dit dans une bataille  être surpris par une attaque sur le flanc découvert, attaque souvent décisive pour celui qui la mène, et redoutable lorsqu'elle était menée par une légion bien entraînée. Ceci avait déjà valu aux troupes gauloises quelques piles monumentales lors des batailles précédentes.

Bref, ce monsieur surement très sympathique s'égare ; mais apparemment cela semble correspondre à un mal nécessaire. La même chose s'est produite pour Uxellodunum, où César avait mené un siège similaire. Le site est évidemment moins prestigieux, car il n'avait vu que l'écrasement d'une ethnie gauloise, pas l'anéantissement de la lutte d'indépendance des Gaules, mais les mêmes batailles se sont produites entre érudits locaux pour situer Uxellodunum dans des coins différents du Massif central ; elles ont perduré jusqu'à ce que des fouilles tranchent  définitivement l'affaire il y a une dizaine d'années. Là aussi on a retrouvé tout un arsenal de faits et  d'objets conformes aux récits de César(2), et jusqu'au tunnel qui avait permis aux Romains de couper l'alimentation en eau d'Uxellodunum.

L'attention magistrale se concentre sur le problème du sens de "latus apertum". Voici ce qu'écrit Benoist (note historique b° 142. Guerre des Gaules) qui traite spécialement du sens donné par ce professeur qui aura répété sans sourciller son interprétation durant sa carrière.

Note 142 - " Latus apertum" le flanc droit des soldats qui n'était pas protégé par le bouclier et par conséquent la droite d'une armée ou d'un corps de troupe (cf.VII, L, I, sunt Haedu visi a latere nostris aperto, quos Caesar ab dextra parte... miserat)."
"Suivant une opinion très discutée, latus apertum aurait, dans certains cas, un sens très général et signifierait le côté de l'armée qui est à découvert, qui est dégarni de troupes, qu'il s'agisse du flanc droit ou du flanc gauche; ce serait le flanc gauche dont il serait question, I, XXV,6."

Mais le plus piquant de l'affaire, la perspicacité du maître le portant vers Alise, est qu'il choisit cette traduction parce qu'à Alise le mont Réa se trouverait sur le flanc gauche et non droit de l'attaque gauloise du chapitre 82 du livre VII (alinéa 2 "veriti ne ab latero aperto").
On voit donc qu'il n'est pas très difficile de faire dire à César le contraire de ce qu'il écrit et de garder à Alise son authenticité universitaire et officielle. Le lecteur se pose alors la question suivante : qu'a écrit Constans, cet autre partisan d'Alise : "craignant d'être tournés par leur flanc droit ...". Conclusion : Benoist (professeur à la Sorbonne) et Constans sont terrassés par cette révélation. Ajoutons que sa diatribe est bien inutile puisque les partisans d'Alise s'accomodent très bien de ces contradictions malgré l'effet boomerang offert à la critique..
Ce courroux magistral aurait pu s'en prendre plus opportunément à la traduction de Constans qui n'est pas d'hier et c'est là le problème puisqu'elle est censée appuyer Alise et qu'au contraire elle ridiculise cette hypothèse sans affecter son savant lectorat. Cela donne une idée de l'opinion que Constans avait de celui-ci et de sa capacité à le contrôler. Considérant sans doute avoir tué l'hydre en en tranchant une tête, l'éminent correspondant néglige les autres arguments remettant en cause la véracité de la thèse alisienne. Aussi peut-il s'élever au-dessus de si médiocres circonstances en mariant l'incantation à l'anathème.

L'incantation ? Les autres Alesias ne sont pas Alesia parce qu'Alesia c'est Alise et qu'il faut voir Alesia à Alesia. Comment ne pas s'incliner devant de telles fulgurations ? Alesia est à Alesia. On est bien d'accord et le cheval blanc d'Henri IV était blanc. L'anathème ? Trop d'imposteurs insultent le dogme ! Plaidons néanmoins la cause de ces égarés. Certes il n'y a pas 172 Alésias. Ce serait beaucoup mais cela veut quand même dire qu'autant de chercheurs doutent d'Alise. Et leur trop grand nombre n'est rien à côté de celui des cuistres et des écolâtres rabâchant du haut de leur pupitres.
Ces dissidents si vilipendés font plutôt penser, face à cette masse péremptoire satisfaite d'elle-même de Père Soupe de la culture, aux hoplites de Léonidas voués au massacre mais ayant défié le destin. En tout état de cause leurs élaborations ne reposent pas sur des interprétations plus absurdes que celle du "latus apertum" examinée plus haut.
Pour mieux faire sentir probablement sa familiarité avec Rome, l'auteur du petit texte appelle César Jules (prénom) . Or "Julius" est le nomen (nom de famille), le prenomen "Gaius". Cette précision a eu une certaine importance dans cette étude (plaque du temple de Montmarte).
Quant aux commentaires sur Uxellodunum, ils étaient déjà d'actualité en 1912 (cf. Benoist. Librairie Hatier). "La découverte d'objets typiquement romaines" (sic) ne paraît pas de nature
à démontrer une présence mandubienne d'autant que les Romains auront quatre siècles pour y pourvoir.
Enfin retrouver "un arsenal de faits" dans des fouilles c'est quand même quelque chose ! (cela dit à titre de "décharge"). Histoire de finir en beauté (et on en passe pour ne pas allonger outre mesure ces remarques) ce qui a été trouvé à Uxellodunum correspond au récit de César. L'hic (dirait Céline) c'est que le récit est de Hirtius.

 

ÉCLAIR PROFESSORAL ( suite )
Quoique ce soit accorder beaucoup de temps à un éclair, fut-il professoral, que compléter ce qui a déjà été dit, certains points justifient quelques précisions.
Une phrase du texte placée en préambule mérite qu'on s'y arrête: "Certes, on en est toujours à se demander comment le grand Jules a pu aboutir à cet Alésia là, tout à fait en dehors des chemins battus de l'époque ..." On ne contredira pas l'auteur sur l'improbabilité qu'il y a de reconnaître Alésia dans Alise. En revanche son assertion à propos des chemins battus de l'époque, en l'occurence ceux de César, est inexacte. Cela a été une raison de défendre dans cette étude l'hypothèse de Givry-Blannay situés dans des régions bien connues de César, proches d'Alise (une cinquantaine de kilomètres, deux étapes normales).

C'est à Vercingétorix qu'il faudrait demander pourquoi César se trouvait là (à Alésia quelqu'en soit l'emplacement) puisque César le poursuivait.
Et si, plutôt que dans le 8ème livre de la Guerre des Gaules, on commence par le commencement, c'est-à-dire le premier, on voit qu'après la bataille de Montmort (contre les Hélvètes) César remonte vers le nord à la rencontre d'Arioviste en passant en particulier près d'Avallon. Cette ville est entre Alise ( à une quarantaine de kilomètres et Givry, , site du Beustiau à 7 Km). Cette région au nord de Bibracte sera toujours au centre des préoccupations de César à cause des trahisons des Eduens dont la capitale voit le regroupement gaulois sous le commandement de Vercingétorix (VII-63-5). La tradition tient comme acquis que César dicta une partie de la Guerre des Gaules à Bibracte. D'autres raisons montrent que César connaissait la région. Ainsi pour aller vers Sens d'où arrivait Labienus, il fallait passer par ces régions en venant de Bourbon-Lancy, à proximité du gué qui lui avait permis de traverser la Loire (VII-56-3) au retour de Gergovie.

Dans le premier livre, César (1-26-6) interdit aux Lingons d'aider les Helvètes qu'il suit : il va donc lui aussi passer sur le territoire de ceux-ci ce qui confirme ce qui a été dit plus haut. "Ipse, triduo intermisso, cum omnibus copiis, eos sequi coepit" (I-26-6).
Dans le texte en préambule on lit qu'à Alésia et Uxellodunum, César avait mené des sièges similaires. On a déjà expliqué dans cette étude que le siège d'Alésia a été de nature absolument différente de ceux de Gergovie et d'Uxellodunum. En effet, la première décision prise par César dans ces deux derniers cas est de tenter de priver d'eau les assiégés. Il y réussit à Uxellodunum. Son attitude est différente devant Alésia "Perspecto urbis situ" (VII-68-3) et alors que l'armée gauloise est terrifiée il entreprend les contrevallations sans qu'il soit question de l'approvisionnement en eau de la place. Le proconsul voit immédiatement (On en discute depuis 150 ans pour Alise) que l'eau est abondante et accessible et qu'il ne pourra en empêcher l'accès. Pourquoi aurait-il sinon effectué ces travaux alors qu'au bout de 3 ou 4 jours, (on était en été de surcroît) cette armée de vaincus terrifiés, sans cavalerie, se fût rendue ?

La Cure et le Cousin qui baignent le Beustiau correspondent à cette analyse. Berthier ayant répertorié les sites conformes au portrait-robot, n'en a trouvé qu'un sans avoir vu celui-ci qui était dans les limites de ses investigations (proximité d'Alise). On peut, fort de cette situation unique, retenir cette hypothèse (hypothèse et non certitude, laissée aux tenants de Syam et d'Alise entre autres . Dans le préambule le distingué censeur (10ème ligne) parle des fouilles ordonnées par Napoléon III autour d'Alésia et non d'Alise ! Quelle meilleure preuve!). "Le site d'Uxellodunum est évidemment moins prestigieux (que celui d'Alise), car il n'avait vu que l'écrasement d'une ethnie gauloise pas l'anéantissement de la lutte d'indépendance des Gaules". Tout le monde en Gaule pensait de même, non pas, et il compte quand même, César. Il vint à Uxellodunum "contra exspectationem omnium" (VIII-40-I). Il ne voulait renoncer à la prise de l'oppidum sous aucun prétexte (ulla conditione VIII-40-I) afin de ne pas surexciter l'espoir des Gaulois (Benoist).

L'enjeu était le même qu'à Alésia. Il ne s'agit pas que de l'écrasement d'une ethnie mais de l'anéantissement de la lutte d'indépendance. L'aimable correspondant, qui n'est pas un érudit local, n'aura pas été sans remarquer que la Guerre des Gaules s'achève sur ce huitième livre que n'aurait pas justifié un épisode anecdotique. Il n'eût pas été à l'échelle du reste de l'ouvrage.
"Les faits et objets conformes au récit de César" (Hirtius) étonnent : César en a d'autant moins parlé qu'Hirtius n'en a rien dit. Un tunnel considéré comme objet ? Comme un fait ? ("Ce sabre est le plus beau jour de ma vie"). En tout cas au sens banal du mot, la production des listes de ces objets intéresserait : César parle de tumulus funéraires, de simulacra, de murailles gauloises mais dans d'autres livres que le VIII, et pour cause, et ce sont des choses peu compatibles avec une utilisation domestique.

Le ton de l'admonestation magistrale traduit sans doute un état d'esprit habituel chez ses pairs et reconnu par eux. (Et encore le gardien du temple connaît le latin semble-t-il ce qui n'est pas le cas du grand prêtre.) Une telle science peut fleurir au sein d'une université. Que risque-t-elle?
De pareilles erreurs seraient fatales, dans leur domaine, à leurs auteurs dans le privé.

Ce verbiage récurrent et calamiteux ne remet pas en question une rente acquise, dédaigneuse de toute critique extérieure. (Pléonasme ? L'autocritique en effet semble exclue.) Fenêtre fermée sur ses certitudes, cette attitude parvient à faire mentir Baudelaire: "Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée." (Le Spleen de Paris - la Pléiade page 332.)

 

 
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