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Passés composés

 

L'intérêt que Napoléon III portait à Alise conjugué à celui qu'il avait pour Alésia rejoignait l'effort des Romains dans leur volonté d'étendre leur ordre social à la Gaule : la mémoire, sinon l'histoire, peut être mauvaise conseillère. Ainsi le ballon de Gambetta, lorsqu'il échappa en 1870 au siège prussien, tomba sur un arbre. Celui‑ci appartenait à un monarchiste. Il fit abattre ce symbole plus que d'autres de la liberté, afin qu'il ne soit un lieu de pélerinage. Il imposait son régime par la destruction d'un possible vestige à venir.
Le Second Empire tombé, l'emprise alésienne eût dû s'éteindre puisqu'elle ne reposait que sur des fouilles sans procès‑verbal officiel ainsi que le souligne Georges Colomb (Vercingétorix ‑ Fayard). Les ruines de l'Empire l'emportèrent sur le texte fondateur. Alise tenait bon et confondait César, hommage posthume, consubstantiel à l'imagination gauloise très portée à croire vrai ce qu'elle souhaitait voir (Une des très rares maximes de César glissée dans les Commentaires).
Influence du temps sur le temps. Deux gravures, l'une illustrant le Tour de France par deux enfants (1886) l'autre l'histoire de France de Lavisse, cours moyen (1926) montrent l'évolution des moeurs gauloises vue à travers celle de cette période dans deux domaines où elle fut particulièrement sensible, la condition de la femme et les transports . La femme acquiert le droit d'utiliser le chariot aux roues devenues à rayons et couvert.
Le texte de G. Bruno, sans qu'il soit trop fouillé, (Cf.reproductions) comporte malgré sa brièveté au moins une dizaine d’erreurs.  Sa miséricordieuse jactance, au‑delà des vestiges matériels est la survivance la plus authentique de l'inconséquence gauloise. Mais Alise flatte plus l'imagination que le Beustiau, fort caché. Vercingétorix qui avait tenté de retarder la poursuite de César, il y laissa 3000 hommes, devait moins craindre les transfuges et leurs bavardages puisque tous les Gaulois étaient ici unis dans la fuite. Alésia, plus encore que Bibracte, ne devait pas laisser de traces.

 

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Chariot de guerre des gaulois

 

Nos ancètres de la Gaule aimaient beaucoup la guerre et les voyages. Ils s’assemblaient par grandes multitudes : les uns montaient sur des chars , les autres allaient à pied, et ils partaient ainsi à la conduête de lointains pays. Dans les batailles , ils lancaient des flèches et des javelines du haut des chars comme du haut des tours roulantes.


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Gaulois en marche

Quand une bande gauloise s'en allait faire la guerre, elle emmenait avec elle des vieillards, des femmes et des enfants. Vous voyez dans cette image une partie d’une bande. Des vieillards, des femmes et des enfants sont assis dans un lourd chariot recouvert d'une bâche. Parmi les hommes, les uns vont à pied; un d'eux conduit une chèvre; les autres vont â cheval. En tête de la bande, derrière le chien qui court, un homme porte sur l'épaule une grosse trompette qui servait à annoncer le départ ou bien à rassembler ceux qui' s'étaient dispersés. 
Histoire de France –cours moyen- Ernest Lavisse 1926.
Librairie Armand Colin.



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Le tour de France par deux enfants (G.Bruno - 1886)

LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS. (G. Bruno) Eugène Belin 1886
On se réunissait la nuit sous l'ombre impénétrable des grandes forêts, auprès des énormes pierres qui servaient d'autels; on parlait de la liberté , on parlait de la patrie , et l’on promettait de donner sa vie pour elle.
Julien s’interrompit encore pour montrer à Jean – Joseph un autel des anciens gaulois , puis il reprit sa lecture : Au jour désigné d'avance, la Gaule entière se souleva d'un seul coup, et ce fut un réveil si terrible que, sur plusieurs points, les légions romaines furent exterminées.
César, qui se préparait alors à quitter la Gaule, fut forcé de revenir en toute hâte , pour combattre Vercingétorix et les Gaulois révoltés. Mais Vercingétorix vainquit César à Gergovie.

‑ Gergovie, dit Jean‑Joseph, c'est un endroit à côté de Clermont, j'en ai entendu parler plus d'une fois. Continuez, Julien; j'aime ce Vercingétorix.
Six mois, durant, Vercingétorix tint tête à César, tantôt vainqueur, tantôt vaincu.
Enfin César réussit à enfermer Vercingétorix clans la ville d'Alésia, où celui‑ci s'était retiré avec soixante mille hommes.
Alésia, assiégée et cernée par les Romains, comme notre grand Paris l'a été de nos jours par les Prussiens, ne tarda pas à ressentir les horreurs de la famine.
‑‑ Oh  dit Julien, un siège, je sais ce. que c'est : c'est comme à Phalsbourg, où je suis né et où j'étais quand les Allemands l'ont investi. J'ai vu les boulets rnettre le feu aux maisons, Jean‑Joseph ; papa., qui était charpentier et pompier, a été blessé à la jambe en éteignant un incendie et en sauvant un enfant qui serait mort dans le feu sans lui.
‑ ll était brave, votre père, dit Jean‑Joseph avec admiration.
‑ Oui, dit Julien, et nous tàcherons de lui ressembler, André et moi. Mais voyons la fin de l'histoire
LES GRANDS HOMMES DE L'AUVERGNE.        (Page 137)
La ville, où les habitants mouraient de faim, songeait à la nécessité de se rendre, lorsqu'une armée de secours venue de tous les autres points de la Gaule se présenta sous Ies murs d'Alésia.
Une grande bataille eut lieu; Ies Gaulois furent d'abord vainqueurs, et César, pour exciter ses troupes, dut combattre en personne. On le reconnaissait à travers la mêlée à la pourpre de son vêtement. Les Romains reprirent l'avantage; ils enveloppèrent ,armée gauloise. Ce l'ut un désastre épouvantable.
Dans la nuit qui suivit cette funeste journée, Vercingétorix, voyant la cause de la patrie perdue, prit une résolution sublime. Pour sauver la vie de ses frères d’armes, il songea à donner la sienne. Il savait combien César le haïssait, il savait que plus d’une fois depuis le commencement de la guerre il avait cherché à se faire livrer Vercingétorixpar ses compagnons d’armes, promettant à ce prix de pardonner aux révoltés. Le noble cœur de Vercingérorix n’hésita pas, il résolut de se livrer lui-même.
Au matin , il rassembla le conseil de la ville  et y annonca ce qu’il avait résolu. On envoya des parlementaires porter ses propositions à  César. Alors se parant pour ce sacrifice héroïque comme pour une fête , Vercingétorix , revêtu de sa plus riche armure, monta sur son cheval de bataille , il fit ouvrir les portes de la ville, puis s’élança au galop jusqu’à la tente de César.
Arrivé en face de son ennemi, il arrête tout d’un coup son cheval, d’un bond saute à terre, jette aux pieds du vainqueur ses armes étincelantes d’or, il attend immobile qu’on le charge de chaînes.
Vercingétorix avait un beau et noble visage , sa taille superbe, son attitude altière, sa jeunesse produisirent un moment d’émotion dans le camp de César, mais celui-ci insensible au dévouement du jeune chef, le fit enchaîner, le traina derrière son char de triomphe en rentrant à Rome , et enfin le jeta dans un cachot.
Six ans Vercingétorix languit à Rome dans ce cachot noir et infect. Puis César, comme s'il redoutait encore son rival vaincu, le fit étrangler.

Les pages 136 et 137 reproduites ci-contre du tour de France par deux enfants sont censées être extraites d’un livre que Julien, l’un des deux frères , lit à un petit vannier orphelin. Le livre qui contient de belles images semble venir d'Epinal selon Julien. Ces extraits ne démentent pas cette impression et cette imagerie souvent prévaut dans l'éclairage donné sur cette période. La page 135 se finit par ces lignes "Bientôt Vercingétorix envoie en secret dans toutes les parties de la Gaule des hommes chargés d'exciter les Gaulois à se soulever". On est en Auvergne. Raison d'apprendre qui était Vercingétorix et qu'en Auvergne et en Haute‑Loire en 1886 il y avait soixante dix mille dentellières et de se rappeler qu'en 52 César dans sa remontée du sud déboucha probablement entre Le Puy et Brioude. Tout n'est pas faux dans le livre de Bruno loin de là mais il est intéressant de voir combien il a contribué à répandre cette imagerie d’Epinal qui entoure Vercingétorix et Alésia. Cela fait douter que le bon sens soit la chose la mieux partagée du monde . Si l’on se réfère aux Commentaires les affirmations suivantes confirment cette fâcheuse tendance.

 

  1. « La Gaule entière se souleva ». Non. Certains peuples ne bronchèrent pas : Lingons, Trèves, Rèmes ne feront pas partie du soulèvement général (VII‑63‑6) au moment de l'assemblée de Bibracte quand les Eduens rejoignent la coalition. Ils avaient déjà maltraité ou massacré des Romains (VII‑42) mais ils ne firent pas partie de la révolte initiale après les événements de Cenabum (VII‑3).
  2. « Sur plusieurs points les légions romaines furent exterminées ». C’est faux, le seul massacre important de légionnaires eut lieu en 54 (V-26) sous le commandement d’Ambiorix.
  3. "César qui se préparait à quitter la Gaule". Non. Il est en Italie (VII‑6) à Ravennes. Il revient en traversant les Cévennes sur une route où la neige atteint 6 pieds d'épaisseur, exploit qui stupéfie les Arvernes et auquel il ne consacre que quatre lignes (VII‑8‑2).
  4. "César aurait cherché à se faire livrer Vercingétorix". Peut être mais cela n'apparaît pas dans les Commentaires.
  5. "La ville, où les habitants mouraient de faim, songeait à se rendre" et plus bas "il rassemble le conseil de la ville" sont deux affirmations fausses puisque les Mandubiens avaient été chassés d'Alésia par Vercingétorix mais tendancieuses puisqu'elles cachent sa vraie nature : c'est une règle constante que de dissimuler la cruauté de l'Arverne et alors même qu'avec la chute de Napoléon III il ne convenait plus d'en faire le personnage idéalisé propre à se confondre avec l'empereur.
  6. « Une grande bataille eut lieu » . Ce sont trois batailles que livre l’armée de secours.
  7. L’armée de secours ne fut pas encerclée quoique César dise que sans la fatigue des soldats romains elle eût été anéantie dans la fuite.

Le récit de Bruno est très orienté en particulier lorsqu'il est question de patrie (I37) mais Constans (VII‑2‑1) emploie ce mot, tiré du latin,qui après 1870 s'inscrivait dans une logique de revanche.

Alise assimilée à Alésia était devenue un symbole national. Dès l'enfance les esprits étaient imprégnés de ce mythe sans que personne ne rétablît la réalité.
"Comunis salutis causa" signifie selon A. Constans  “pour le salut de la patrie". Cette impropriété certes est source d'erreur pour les lecteurs qui lui font confiance mais tout autant il est manifeste que le traducteur est influencé par le climat ambiant.
Des erreurs plus récentes peuvent y trouver leur compte encore que celle qui par exemple consiste à dire que la Gaule n'exis­tait pas n'en est probablement pas le fruit sauf à invoquer le syllogisme suivant (avec quelque bienveillance) : si la Gaule était la patrie et que la patrie au sens où nous en parlons n'existait pas, la Gaule n'existait pas.
D'autres erreurs de Constans font pencher la balance en faveur de l'irréflexion plutôt qu'en faveur de la mauvaise foi. Par exemple lorsque César (VII‑56) traverse la Loire pour rejoindre Labiénus au retour de Gergovie. Les soldats la traversent à gué en tenant, écrit‑il, leurs armes au‑dessus de leur tête. Mais non, il s'agit des bagages qui, entre autre, contiennent leur ration de blé. Les armes du légionnaire, rudimentaires, ne craignaient rien d'un bref passage dans le fleuve. Le pilum, au contraire était un appui supplémentaire.
Dans ce parcours de l'enfance à la maturité du lecteur Malet Isaac tient sa place. Au‑delà d'erreurs telles que celle de chiffrer à 31 Km la longueur des circonvallations au lieu de 21 Km s'en glissent d'autres telle que celle‑ci : les deux auteurs attribuent à une folle initiative de la cavalerie gauloise le combat du VII‑67 alors que c'est Vercingétorix qui en décide ainsi (VII‑66). Il ne conviendrait pas d'entacher la réputation de l'Arverne avec cette décision inexplicable.
Gergovie devient le plus grave revers subi par César en Gaule le désastre de Sabinus et Cotta est effacé pour les raisons développées précédemment. Seul Vercingétorix ne s'en aperçoit pas qui oublie d'achever son ennemi lorsqu'il lève le siège de Gergovie29 . Autres erreurs : le mont Réa est "immense", (nécessité pour expliquer qu'il est en dehors des lignes de César), le camp nord est à mi‑pente, la plaine à l'est se retrouve à l'ouest, Avaricum aurait été prise lors de la fuite de la garnison alors que ce sera le lendemain (confusion entre les chapitres 26 et 27 du livre VII, l'extrême cruauté des Gaulois est niée : les rescapés des cohortes de Sabinus le savent qui préfèrent "se ipsi interficiunt" (V‑37) Etc.
De cette épopée sans souci de l'erreur il serait étonnant et même miraculeux que surgisse la vérité.

 



29 César, lui, voit la faute (VII‑53):après avoir constaté que Vercingétorix reste inactif à Gergovie sans descendre l'affronter "trois jours après (son départ de Gergovie) il arriva à l'Allier ; il refit un pont et l'armée traversa là".(VII-53‑4). On sait qu'il en sera tout autrement à l'occasion de la traversée de la Loire (VII‑56). Les Romains passèrent grâce à un gué, César se refusant à construire un pont ce qui aurait donné le temps aux gaulois  (les Eduens) d’amener des troupes plus importantes.
Mise à jour le Lundi, 12 Avril 2010 17:39