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Le Lis

 

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La traduction d'un mot par un autre peut avoir des conséquences plus ou moins importantes, par exemple : "exculcabantur" suivant qu'on le traduit par fouler avec les pieds ou non permet d'apprécier le diamètre d'un lis suivant le calcul ci-dessous ou non (VII-73-7).
Quelle importance dira-t-on ? La traduction de Constans "foulée" est incomplète. Le sens suivant Quicherat est précis : c'est "fouler avec les pieds". (Le lexicographe prends d'ailleurs son exemple dans le passage concerné des Commentaires). Cela permet le calcul suivant.

Profondeur des trous : 3 pieds (un pied = 0,2957) soit environ 90 cm. Chaque pieu (stipes‑itis) est enfoncé dans un pied de terre tassée avec les pieds (exculco : je foule avec les pieds L. Quicherat VII‑73‑6).
Si on estime l'épaisseur d'une cuisse à 20 cm, celle d'un pieu selon César, la largeur d'un pied à 12 cm, le rayon CE' à la base est de 22 cm et on a pour CE 37 cm (CE 2 = CE' 2 + EE' 2 = 484 + 900 = 1384), AF2 = AE2 ‑ FE2 (12 321 ‑ 8100 = 4 221). (AE=(90*37):30=111cm)
AF = 65 cm d'où un diamètre AB des trous de 1,30 mètre environ.

Les stipites (troncs) figurent de deux manières dans les travaux de César (VII‑73) : avec des branches taillées en pointe, reliés entre eux en 5 rangs de fossés (cippes) et avec les lis disposés en quinconces sur huit rangs. L'importance des stipites est donc double.
Cette remarque sur "exculcabantur" ne doit être jugée que sur le plan de la précision grammaticale qui, il est permis de l'espérer, n'est pas préjudiciable à la détermination de son objet.

Par conséquent des trous creusés dans la pierre ne correspondent pas à la description de César (sans compter qu'une telle tâche prendrait infiniment plus de temps et que César était pressé). Et puis fouler la roche aux pieds ...
D'autre part les camps, sauf le camp nord, étaient à l'intérieur des lignes, défendus par elles. César n'accorde pas une ligne à leur description : les nommer suffit à leur description.
Que l'archéologie en ait mis à jour autour d'Alise bien loin de prouver qu'Alésia était là prouve le contraire puisqu'ils ne sont pas du tout conformes à la description des Commentaires. Reprendre de surcroît ce que dit César à propos des fortifications d'investissement pour l'appliquer au camp de Labienus est un travestissement du texte pour habiller une réalité archéologique différente d'Alésia.
A propos des camps, César écrit simplement qu'ils étaient installés où c'était nécessaire VII‑69‑7. Grâce au camp nord on sait que tous les camps sauf lui étaient à l'intérieur des circonvallations. La disposition des lignes romaines, imaginée par Napoléon III est manifestement erronée si on se réfère à César puisqu'elle laisse les collines en dehors du  « circuitus » des fortifications romaines. Quant aux fortifications du camp nord elles sont constituées, César l'écrit incidemment (VII‑87‑5) par un "agger" (un terrassement) et un fossé. Les camps devaient permettre d'effectuer des sorties quasi instantanément ce qui sera envisagé par Labienus au camp nord (VII‑87‑5). Les travaux accomplis sur les lignes d'investissement à Alésia ne concernaient pas les camps. Si César n'a rien dit de spécial sur les camps c'est qu'il n'avait rien à en dire de spécial.
En revanche la trace des lis sur le terrain et dans certaines études consacrées à Alise ne correspond pas à ce qui fut un des éléments essentiels de la défense des Romains disposés sur huit rangs en quinconce sur 15 et 21 kilomètres. Pour certains un javelot, en tout cas un morceau de bois, au fond d'un trou peut permettre à ce dernier de jouer le rôle d'un lis et même de représenter l'armée des lis (procédé emprunté au théâtre) alors que les pieux (de la taille d'une cuisse) auraient disparu .
César (VII‑74‑I) écrit que son plan évite que les garnisons (le pluriel est important) puissent, grâce à l'étendue de ses lignes ( 21km) être encerclées.. C'est la ligne de circonvallation qui protège avec sa "garnison" les camps et non l'inverse.
Les "munitionum praesidia",eux,interviendront au coup par coup sur les points sensibles : Antoine et Trebonius (VII‑8I‑6), Labienus, César. Les soldats des lignes d'encerclement, affectés à des postes précis (destinatos operi VII‑72‑2) ne pouvaient intervenir ailleurs. Des camps extérieurs, même tangentiels aux lignes en auraient fait partie et les troupes destinées à leur défense comme celles des lignes n'auraient eu aucune possibilité d'intervention "tous azimuts".

Bien plus ces cohortes ne pouvaient intervenir qu'entre les circonvallations et les contrevallations sinon elles se seraient enferrées dans les défenses de celles‑ci et les leurs.
I1 est vrai que les fouilles de Napoléon III avaient permis la découverte de restes de camps romains correspondant tout à fait à des hypothèses contraires à celles exposées ci‑dessus. Par malheur, du jour où l'attention s'est portée sur ces levées de terre visibles à l'époque, elles ont pour la plupart disparu sous la poussée agricole insoucieuse des desseins de l'Empire (autoritaire) et alors qu'elles avaient résisté 19 siècles avant que les cultivateurs locaux ne s'avisassent de l'intérêt aratoire de l'endroit22 . Des vestiges retrouvés à Blannay en revanche semblent avoir été détruits.

 

FORTIFICATIONS DES ROMAINS : TERRASSES, REMPARTS, TOURS. (Benoist)

VII‑72‑
1.  Ces événements ayant été connus de transfuges et de captifs, César décida de mettre en place les fortifications suivantes. I1 fit tracer un fossé de 20 pieds de large à parois verticales de façon à ce que sa largeur soit la même au fond et à l'ouverture.
2. Il disposa tout le reste des fortifications à quatre cents pieds derrière ce fossé, cela avec l'idée que puisque ce dispositif nécessitait une si grande étendue et que tout l'ensemble ne serait pas ceint par un cordon de troupes, que la multitude des ennemis ne parvînt pas à l'improviste de nuit aux fortifications ou qu'ils ne pussent de jour lancer des javelots sur les nôtres retenus à leur poste23 .
3. Il conduisit au‑delà de cette zone deux fossés de quinze pieds de large, de même profondeur ; il remplit le fossé intérieur dans les terrains bas de la plaine d'eau dérivée de la rivière.
4.‑ Derrière ces fossés il établit un "agger" (remblai ) et une palissade de 12 pieds. Il lui ajouta des fascines avec des créneaux; des branches fourchues de belle taille faisant saillie aux points de jonction entre les fascines et l'agger qui retarderaient l'escalade des ennemis et il entoura l'ouvrage de tours à quatre vingts pieds les unes des autres.

 

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E. BENOIST (Hachette 1912) Guerre des Gaules p.467

 

OUVRAGES DE DEFENSE : CHEVAUX DE FRISE; LIS; CHAUSSES‑TRAPPES (Titre de Benoist)

VII‑73‑
1. En même temps on amassait du bois de construction et on allait s'approvisionner en blé tout en renforçant les retranchements autant qu'il était nécessaire, si nos troupes amoindries sortaient du camp durant trop longtemps ; les Gaulois parfois s'efforçaient de troubler nos travaux et de faire des sorties de l'oppidum par plusieurs portes et avec la plus grande énergie.
2. C'est pourquoi César pensa qu'il devait de nouveau ajouter à ces travaux pour que les fortifications puissent être défendues avec ce trop petit nombre de soldats. Ainsi, des arbres qui avaient de très fortes branches, avaient été coupés et les extrémités de celles‑ci avaient été écorcées et taillées en pointe, et des fossés continus d'une profondeur de cinq pieds avaient été tracés.
3. Dans ces fossés ces troncs, ayant été disposés et attachés à la base, afin qu'ils ne puissent être arrachés, ne dépassaient que par les branches.
4. Il y en avait cinq rangs assez rapprochés pour que leurs branches s'emmêlent ; de cette manière ceux qui pénétraient s'enferraient eux‑mêmes sur ces pieux très acérés. Ils les appelaient cippes.
5. Devant eux, en rangées obliques et en quinconces, des trous profonds de trois pieds avaient été creusés, qui se rétrécissaient peu à peu vers le fond.
6. Des troncs ronds de l'épaisseur d'une cuisse, aiguisés et brûlés au bout y avaient été placés, de manière à ce qu'ils ne ressortent pas plus que de quatre doigts du sol.
7. En même temps pour ajouter à la stabilité, de la terre était piétinée à une hauteur d'un pied à partir du fond du trou ; l'autre partie du trou était recouverte d'un bâti d'osier et de broussailles.
8. Huit rangées de trous de ce genre avaient été tracées à trois pieds de distance les unes des autres.
9. Les soldats à cause de leur ressemblance avec la fleur, les appelaient des lis. Devant les lis, des bâtons, avec des crocs en fer à leur extrémités étaient enfoncés dans le sol à peu de distance les uns des autres. Semés partout les soldats les appelaient aiguillons.

 

TRAVAUX DE DEFENSE CONTRE L'ARMEE GAULOISE VENANT AU SECOURS D'ALESIA (Benoist).

VII‑7424
1. Ces travaux terminés, en suivant les endroits où le terrain s'y prêtait le mieux, une enceinte de 14 mille pieds du même genre en sens opposé aux autres ouvrages, fut faite contre des ennemis  venant de l'extérieur, afin que, si cela arrivait par suite du départ de la cavalerie, les garnisons des ouvrages de défense ne pourraient pas même être encerclées par une grande multitude.
2. Mais afin qu'on ne risquât pas d'être en danger en sortant du camp, il ordonna que tous aient un mois de fourrage et de blé en réserve.

 


22 (Epigramme : )
Tel le, parti doctrinaire 1830‑1848
Notre Parti, qui croît à l'ombre
A besoin d'un public discret ;
Vous jouerez le rôle du nombre ;
Placez‑vous sur ce tabouret.
M. de Rémusat Cf D. Halévy "la Fin des Notables" p.293.

23 Voir VII‑80‑I "afin que chacun tienne son poste et l'ait reconnu".

24 Le texte de Benoist et celui de Constans ne sont pas les mêmes: entre autre il n'est pas question de cavalerie chez Constans (equitatus discessu).

 

 

Mise à jour le Lundi, 12 Avril 2010 16:10